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jeudi 17 mai 2012

Whourkr


Il y a tellement de choses à dire sur le dernier Whourkr (sorti le 14 mai 2012). En tout cas, dès le premier contact, il m'a vendu du rêve.

D'une part, commençons par le commencement : Whourkr est un projet auquel Gautier Serre, alias Igorrr, est le seul contributeur permanent. "4247 Snare Drums" est le troisième album de ce projet, en collaboration avec ce taré de Mulk, tandis que le premier album, "Naät", a été créé avec Öxxö Xööx et le second, "Concrete", avec -i snor. Öxxö Xööx a cependant participé à "Ostina" et "Arithmetic Punishment", deux des tracks de ce dernier album.

 Ambiance de travail chez Whourkr.

Ensuite, c'est un album Ad Noiseam, mon petit label chouchou, qui confirme ainsi à la fois sa fidélité à Igorrr et son amour des mélanges (puisque, dans un style proche, l'album "Grist" de Drumcorps est sorti chez Ad Noiseam lui aussi). D'ailleurs, comme l'écurie de Nicolas Chevreux est une grande famille, c'est le talentueux breakcoreux français Ruby My Dear, qui a signé chez eux très récemment pour un album à sortir en courant d'année, qui conclut "4247 Snare Drums" par un remix d'une des tracks de l'opus.

 Tous les instruments sur cette photo sont entendus dans l'album, y compris le tracteur.

Enfin, entre le nom de l'album (qui est un décompte exact et pas un nombre au hasard, soit une moyenne de 137 snares par minute, vu que les quatre minutes du remix de Ruby ne sont pas prises en compte) et certains des titres de pistes ("Manger du Beurre", "Coiffer un Ours", "Petits Poneaux", "Gastro-Equestre"...), on sent qu'il y aura là-dedans un esprit bourrinator post-dadaïste à la fois drôle et sale.

 La lampe à huile fait aussi bong.

Pourtant, cet esprit aura mis du temps à venir. Le premier album "Naät" (2007) semble à première vue ne pas être grand-chose de plus qu'un gigantesque défouloir. Certaines ambiances, particulièrement belles et clairement surprenantes, le font sortir du lot (notamment sur "Nrrit", qui passe sans prévenir de quelques jolies nappes très Öxxiennes à un grind teinté de bleeps et glitchs en tout genre, ou "Nhosg" qui sent le black sympho à plein nez... et s'en moque un peu ? ce qui n'empêche pas la fin de ce titre d'être incroyablement glauque) ; cependant, l'opus reste majoritairement un album de grindcore parfumé à l'électro. Du bon grindcore avec des glitchs sympathiques, ceci dit, mais le mélange des genres est relativement peu poussé, si on veut bien le comparer par exemple à ce que faisait Maruosa la même année avec le petit bijou de noisy-cybergrind "Exercise and Hell" -- dont seule la bonus-track bruitiste "Hackta" se rapproche réellement, le reste de Whourkr restant globalement bien plus audible que du Maruosa, Dieu merci.

Bon, ça a quand même de la gueule, même pour du "simple" grindcore électro ("Nrrit").

L'année suivante, "Concrete" redresse la barre, en apportant pas mal d'éléments Igorrriens... ce qui pourrait finalement être le principal (seul ?) reproche que l'on pourrait adresser à ce deuxième opus. Le collaborateur de Gautier Serre sur cet album, Yann Coppier alias -i snor, est un artiste incroyable, créateur d'une sorte de "spéléo-électro" envoûtante dont peu de traces apparaissent au final sur "Concrete", album plus décousu (délicieusement décousu) que son prédécesseur, osant le cybergrind mid-tempo ("Skovsnails") et les expérimentations post-zappaesques (la délirante "Cera Pollutea") autant que le rococo-glauque ("Santo"). C'est sûr, les fans d'Igorrr y reconnaitront directement sa touche, et se demanderont s'il ne s'est pas contenté de pousser à l'extrême certains des aspects de sa musique -- le côté metal-breakcore de sa musique, qui ressort avec grâce sur  des titres comme "Slaagt" -- en occultant ou en limitant les autres -- les instruments sortis de nulle part et les chants baroques. Etonnamment, la réponse est clairement non : bien que des façons de faire se retrouvent bien évidemment, la créativité des deux artistes se focalise clairement sur un autre aspect, finalement bien plus bruitiste (les glitchs et les larsens de "Freugz") et organique (l'aspect post-black de "Squirk" avec ses accélérations-décélérations tidales), osant aussi beaucoup plus le décalage rythmique et prenant le risque d'un flirt avec l'incohérence savamment maîtrisé ("Gorowatz").

Bim. ("Freugz")

L'esprit post-dadaïste du projet s'affirme véritablement sur le petit dernier "4247 Snare Drums". Certes,  rien de ce qu'a fait Igorrr jusqu'ici n'y a échappé, mais Mulk et lui vont se promener sur ce nouvel album dans un terrain cybergrind à la fois plus affirmé et plus foutraque encore que sur le précédent opus. Pardon, ai-je dit "foutraque" ? Ce n'est qu'en apparence, car derrière l'impression de gros bordel qui règne de toute façon lors de la découverte du style, il y a des constructions efficaces et redoutables. "Ostina", le titre le plus long de l'album avec ses 4'25", en est une parfaite illustration : la furie y débarque par vagues, entrecoupées des parties de chant de Laurent (Öxxö Xööx) mais sans jamais y perdre sa dynamique ou sa gnaque.

"Gastro-Equestre", une track au moins aussi poétique que son titre.

Et puis, de l'autre côté du spectre de l'album, rien que pour me pousser à la faute, il y a la piste suivante, "Maximum Speed Limit Monotone Snare Audition", avec son intro au saxophone qui enchaîne sur une minute et des poussières d'un déferlement grindcore/électro à la limite du tolérable. (Bon, perso, j'adore, mais pour des oreilles normales, ce serait probablement plus douloureux.)

Attention, violence : "Maximum Speed Limit Monotone Snare Audition" n'est pas là pour enfiler des perles.

C'est justement là que "4247 Snare Drums" montre toute sa puissance : il est cohérent (dans sa folie), équilibré (dans son déséquilibre) et tape juste, mais en n'en ayant définitivement rien à foutre. Le monstre Whourkr dégueule les sons qu'il a envie de dégueuler, à base de grosses guitares et de glitchs breakcore, mais sans s'y limiter -- vous allez aussi vous bouffer des envolées de saxophone ("Gastro-Equestre", "Manger du Beurre", "Maximum Speed Limit...", "Polygroin"), des intros fumées ("Pachyderm Catapult", "Ostina"), des extraits de musique symphonique ("Coiffer un Ours"), de la guitare acoustique ("Polygroin"), du jazz glitchy ("Manger du Beurre" encore) et autres folies savamment construites. Pour ceux qui ne l'avaient pas compris avec "Concrete", Whourkr n'est pas un simple sous-projet d'Igorrr mais un concept à part entière, décalé et brutalement jouissif. Et, moi qui pourtant ai tendance à haïr les bonus tracks et les remix (sauf ceux de Morbid Angel, qui sont globalement cent fois meilleurs que les originaux), je dois avouer que le remix de "Gastro-Equestre" par Ruby My Dear est délicieux.

Et il est juste après "Arithmetic Punishment", un petit bijou. Parmi tous les autres de "4247 Snare Drums".

Amateurs de bruit, ruez-vous sur cet... ce... cette chose. Sérieusement. Cet album est un assaut sonore riche, fouillé et audacieux. Varié et dévastateur. Un truc monstrueux.

Une des sorties de l'année.

POINT FINAL.




"4247 Snare Drums" sur le site d'Ad Noiseam :
http://www.adnoiseam.net/adn158

1 commentaire:

theree a dit…

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